Il y a l’histoire avec un grand H et la petite. Pour Véronique Thuin-Chaudron, Docteur en Histoire de l’Université de Nice Sophia Antipolis, on ne peut rendre compte des temps révolus, avec toute la rigueur qu’exige cette science, qu’en les appréhendant par ces deux bouts.

Véronique qui « aime comprendre la ville où elle vie » ne se considère pas comme une historienne pur jus. Elle avoue même en riant avoir eu envie d’être factrice pour découvrir les arrières cours d’immeubles, ces coulisses qui en disent parfois plus que ce qui est donné à voir à l’avant-scène. Passionné, curieuse, toujours animée de cette faculté à s’émerveiller, aussi rigoureuse qu’aventurière Véronique est une tête chercheuse. Une tète pensante aussi qui a gravit tous les échelons de l’enseignement. 

Al’âge de huit ans Véronique Thuinquitte Alles, sa ville natale pour Monpellier. Elle y fera sa Licence, sa Maitrise d’histoire et deux CAPES (histoire et géographie). A Paris elle passera l’Agrégation d’histoire. Elle soutient son doctoratà L’Université de Nice en 2002 avec une thése en 4 volumes « La construction à Nice de 1860 à 1914 » (Ed. Serre),récompensé du Prix départemental de la Recherche.

A 14 ans Véronique découvre Nice, le temps d’une étape lors d’un voyage vers l’Iran. Elle viendra s’y établir en 1990 missionnée au Lycée Audiberti d’Antibes puis au Collège Matisse de Cimiez « A Cambrai l’établissement où j’enseignais était à coté dumusée du Cateau-Cambrésis.Alors quand j’ai excercé à Nice à deux pas du Musée Matisse j’ai eu l’impression d’emboiter les pas de ce maitre (rires) » Mais aprés 20 ans au Collége Matisse elle a besoin de changement et prend une voie entamée avec sa thése : «  J’avais suivi un stage sur l’architecture contemporaine mais pour avoir des clés il me fallait explorer l’architecture du 19 éme, l’age d’or de la construction à Nice ! » L’historienne méne l’enquete, remonte aux sources, aux fondations : « C’était très ambitieux j’ai épluché tout les permis de construire de 1870 à 1914 pour trouver les chantiers, les commanditaires, les maitres d’ouvrages. J’ai vu sortir la ville. » Elle passe un an passe à faire la navette entre les archives municipales à Fabron et son dépot a Cimiez. 

Car c’est à Cimiez que, dés son arrivée à Nice, Véronique s’est s’installée. D’abord au Palais Carlton, dans la montée de l’hermitage puis plus tard dans l’immeuble mitoyen, Les terrasses fleuries. « J’habite dans l’appartment de Richard Laugier, l’architecte qui a battit en 1928  ce fleuron art déco et qui est aussi à l’orgine de notre Palais des Expostions. » 

Nice a conservé un patrimoine remarquable car explique t’elle « c’est une ville qui a été choisie par ceux qui sont venus et parfois de loin pour y rester. Ils y ont fait éléver des palaces, des demeures d’exception. Des quartiers comme Cimiez sont des livres ouverts sur l’histoire de ses villégiatures ». Le Régina ne lui a pas échappé bien sur ! L’historienne en a retracé l’origine dans un ouvrage collectif pour la societé française d’archeologie en 2010. Mais Véronique a aussi ausculté la population autochoctone dont les ascensions sociales ont été dopées par la construction : « Au cœur de cette cohabition mondaine, aristocrates et notables se cotoyaient dans les cercles, les casinos » Parmis ces grandes figures : Henri Germain fondateur du Credit lyonnais qui a crée un lotissement à Cimiez, Le comte de Chambrun à l’origine du Musée social à Paris, Samuel Goldenberg,rescapé du Titanic qui a imaginé la cité des aveugles à Valrose, Le baron Von Derwies et son château de Valroseou encore Léa d’Asco alias La Comtesse de Lagrange qui avait créé le zoo de Cimiez auquel on accédait par un tramway surnommé par les niçois « la limace à Biasini » tant il était lent. « C’est une excentrique qui a connu une fin tragique mais qui me fascine comme tant d’autres ! Car Nice est théâtre sur fond de mer qui se met en scène, joue sur le baroque, l’apparat. Et au 19 éme siècle le Comté fut agité par une faune qui se lâchait loin des conventions ! » Un vent libertaire qui donna naissance à des folies d’architectures qu’elle a découvert aussi avec l’architecte Luc Sevtchine, auteur d’un livre de croquis sur ces demeures extravagantes. Des ouvrages relatant cette vie  hors-norme l’historienne en a écrit ou coécrit (Guide amoureux, secret et historique du Vieux Nice, Sur les pas des écrivains, Balade à Nice et dans les Alpes-Maritimes etc.). Elle a également collaboré dés 2014 à défendre la candidature patrimoniale de la Promenade des Anglais à l’UNESCO sous l’égide de Jean-Jacques Aillagon, en publiant et en donnant à des conférences publiques.

Tout en enseignant à la Faculté Carlone, à L’ESP de Stephen Liégeard, à L’IAE (histoire de l’art et du patrimoine) elle met son expertise au service de la Ville. Ainsi en 2016 « Cimiez, une colline à l’aube de Nice » relate ses rencontres avec des personnes emblématiques de ce territoire tel la psychothérapeute Nathalie Sinelnikoff« qui après la déportation de ses parents est revenu habitée dans la villa de son enfance ».

Ce savoir Véronique n’a de cesse de l’enrichir et pas seulement dans les bibliothèques. Elle récupère des vieux journaux du 19 éme, collecte d’anciens manuscrits, ne jette rien. Grande marcheuse, elle sillonne la cité l’œil aux aguets. « Un jour je suis tombé sur un immeuble baptisé Les autruches. J’ai questionné le gardien. Il y avait bien là autrefois, un élevage de ces oiseaux dont les plumes étaient alors l’accessoire fétiche des danseuses de revues. Dans Nice il y a encore beaucoup à découvrir, la ville ne se résume pas au vieux Nice touristique !»  Chaque quartier, chaque bâtiment  est une mine d’or pour cette historienne, curieuse de ses semblables, traquant chaque indice ou témoignage « pouvant apporter un nouvel éclairage sur l’héritage niçois ».

Hier encore elle a fait une étrange découverte au Cimitiére de Cimiez : « Il y avait une maquette du Titanic fraichement déposée sur la tombe de Goldenberg. Cet homme n’avait ni famille, ni enfants. Qui a fait ce geste et pourquoi ? »  Un nouveau fil à tirer de la pelote, une autre histoire dans la grande ?  

Légende photos. Dédicace du « Guide amoureux, secret et historique du Vieux Nice » (2014 éditions Serre)avec Véronique Thuin-Chaudron et son complice Alex Benvenuto. 

Photo Elisabeth Touraille

Article écrit par

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