Construit en 1906 sur l’ancienne propriété Gioan par l’architecte Charles Dalmas, le Tony Pin occupe une place singulière dans le paysage architectural de Cimiez. À une époque où les palais se multipliaient pour accueillir princes, aristocrates et hivernants fortunés venus profiter du climat niçois, ce bâtiment fit figure de pionnier : il fut l’un des tout premiers « palais » de Cimiez conçus dès l’origine comme résidence privée plutôt que comme hôtel de luxe.

Le palais conserve d’ailleurs le nom de son premier propriétaire, un négociant en bois et charbon, passionné d’automobiles — une passion qui lui valut malheureusement plusieurs accidents meurtriers. Lors de sa construction, l’édifice impressionnait par ses 283 portes et fenêtres, son exposition plein sud et son panorama à couper le souffle sur la ville. Son architecture se distingue encore aujourd’hui par ses cinq coupoles, dont la troisième et la cinquième forment une spectaculaire rotule est-ouest.
La vue majestueuse dont il bénéficiait fut toutefois en partie occultée dès 1928, avec l’édification du Palais Prince de Galles. Avant cela, Tony Pin possédait également l’ancienne maison Gioan sur l’avenue Liserb, ainsi qu’une propriété à La Turbie. Son palais fut d’ailleurs mis en vente à plusieurs reprises, notamment en 1913 puis en 1921.
Les photographies anciennes rappellent l’allure imposante du bâtiment : un élégant immeuble Belle Époque posé au sommet d’une colline alors encore largement rurale, parsemée de vergers, de champs cultivés et de petites exploitations agricoles. De son promontoire, le Tony Pin dominait notamment la Ferme Suisse, située à l’emplacement de l’actuelle rue Edith Cavell. Une scène qui semble aujourd’hui presque irréelle : jusqu’aux années 1970, des vaches paissaient encore à Cimiez, et l’on y venait chercher son lait frais comme à la campagne !
S’il n’a jamais rivalisé par le faste avec les grands Hôtels-Palais de la Belle Époque, le Tony Pin demeure l’une des plus belles résidences de standing du quartier. Ses vastes appartements lumineux, ses moulures délicates, ses volumes généreux et son charme architectural inchangé en font un lieu à la fois recherché et profondément chargé d’histoire. À travers lui se lit encore ce raffinement discret et cette douceur de vivre qui firent la réputation de Cimiez — un héritage préservé avec élégance.

