Au cœur de Cimiez, la Villa Paradiso incarne l’élégance et le faste de la Belle Époque sur les hauteurs niçoises. Ce lieu chargé d’histoire a vu défiler des personnalités influentes, des artistes de renom et des générations de musiciens. Retour sur l’histoire mouvementée de cette demeure emblématique du boulevard de Cimiez.
Une villa née de l’ambition d’Adolphe Sicard
Le 25 mars 1881, Adolphe Sicard, directeur de la Caisse de Crédit de Nice, acquiert plus de 13 000 m² de terres à Cimiez. Il y fait construire une villa luxueuse, réalisée par l’architecte Barbet Lucien. Baptisée à l’origine Villa Sicard, elle est achevée en 1882. Son plafond décoré, encore visible aujourd’hui, témoigne du raffinement de l’époque.
Le tracé du boulevard de Cimiez impose toutefois l’expropriation d’une partie du terrain, entraînant un différend avec la Société immobilière de Nice. Un compromis est finalement trouvé, permettant à la Société foncière lyonnaise de prendre en charge les frais, à condition que le projet aboutisse.
La Villa Paradiso, entre diplomatie et drame
Comme beaucoup de villas de la Riviera, la demeure est d’abord louée. En 1894, elle accueille le comte Henckel von Donnersmarck, ministre de l’empereur Guillaume II, qui lui donne son nom actuel : Villa Il Paradiso. Mais la fortune de Sicard s’effondre. En 1890, ruiné, il se suicide à Saint-Jean-Cap-Ferrat. Son fils Jules met fin à ses jours le lendemain.
L’âge d’or avec le baron Van Zuylen
La villa devient ensuite la propriété du baron Van Zuylen de Nyevelt, époux de la fille du baron de Rothschild. Il y mène une vie mondaine intense, transformant la demeure en une somptueuse maison de maître. Il fonde l’Automobile Club de Nice en 1897, participe activement aux événements hippiques et organise de nombreuses fêtes dans les jardins de la villa.
Sportif accompli, amateur de chiens et de chats de race, il est aussi membre de l’Acadèmia Nissarda et fondateur de la section niçoise de la SPA. La villa accueille alors concours d’élégance, tombolas et spectacles.
De la guerre au conservatoire
Après la mort du baron en 1934, la famille quitte Cimiez à la veille de la Seconde Guerre mondiale. La propriété passe aux mains de la baronne Adeline Gouresky Massé, présidente de la SPA. Pour protéger la villa, elle la place sous l’égide de l’Académie de Nice, évitant ainsi sa réquisition par les Allemands.
La Villa Paradiso devient alors un lieu de refuge pour les artistes fuyant le fascisme. En 1943, la Ville de Nice la rachète et la transforme en conservatoire de musique. Des travaux modifient l’aspect du bâtiment (démontage du porche, extension de la terrasse, remplacement du jardin d’hiver), mais l’esthétique originelle est préservée.
Une pépinière de talents à Cimiez
Sous la direction de Pierre Cochereau, organiste de Notre-Dame de Paris, puis de Fernand Oubradous, la villa devient un haut lieu de formation musicale. C’est ici que naît l’une des premières académies musicales d’été au monde, attirant des artistes venus du monde entier.
Parmi les élèves formés à Cimiez, on compte :
•Les pianistes Samson François, Gabriel Tacchino, Jacques Taddei, Philippe Bianconi,
•Les violonistes Christian Ferras, Sylvie Gazeau, Jean-Jacques Kantorow,
•Le chanteur Gilbert Bécaud,
•Le comédien Jacques Toja,
•La harpiste Marie-Pierre Langlamet,
•Et bien d’autres figures emblématiques de la scène musicale et artistique.
Une nouvelle vie pour la Villa Paradiso
En 2006, les élèves quittent la Villa Paradiso pour intégrer un bâtiment moderne situé à Brancolar. La villa est alors conservée par la Ville de Nice et devient le siège de plusieurs associations culturelles. Elle reste un symbole vivant du patrimoine de Cimiez, témoin de son passé prestigieux et de son attachement à la culture.