Le Palais de Nice, écho discret de la Belle Époque
Sur le boulevard Carabacel, à la lisière de la colline de Cimiez et du cœur vibrant de la ville, s’élève un édifice que l’on devine plus qu’on ne le remarque. Le Palais de Nice ne cherche pas à éblouir : il séduit par son élégance tranquille, par cette dignité que seules les demeures qui ont traversé les siècles savent conserver.
Aux origines d’un grand hôtel
L’histoire du Palais de Nice commence dans les années 1870, alors que la ville s’apprête à devenir l’une des destinations hivernales les plus prisées d’Europe. Sur ce boulevard nouvellement tracé, qui relie le centre ancien à la colline des palais, s’élève d’abord une bâtisse modeste. La famille Bouchon, cordonniers niçois, en fait l’acquisition et entreprend d’y ajouter des étages — premier geste d’ambition dans un quartier en plein essor.
Quelques années plus tard, l’édifice devient le Grand Hôtel de Nice, dirigé par la famille Krafft, d’origine suisse-allemande. Le lieu accueille alors une clientèle aristocratique en quête de douceur méditerranéenne : duchesses, gouverneurs, industriels fortunés… Les salons s’animent au rythme des réceptions et des concerts, les balcons ouvrent sur un panorama de collines et de mer, et le soleil d’hiver baigne les façades crème du boulevard Carabacel.
La mémoire d’un faste discret
Sous ses hautes fenêtres et ses plafonds de près de quatre mètres, le Palais a vu défiler un monde aujourd’hui disparu. Alfred Solvay, industriel belge et mécène, y meurt en 1894 — symbole d’une époque où Nice était le refuge des puissants et des rêveurs d’Europe du Nord.
Puis viennent les années sombres : durant la Première Guerre mondiale, l’hôtel se transforme en hôpital militaire. Derrière les volets clos, les rires se taisent, remplacés par le murmure des infirmières et le silence du soin.
Lorsque la paix revient, l’hôtel rouvre, mais son âge d’or s’estompe. En 1937, il cesse définitivement son activité hôtelière et entame une nouvelle vie : celle d’un palais résidentiel.

Le charme d’un palais retrouvé
Aujourd’hui encore, le Palais de Nice conserve la noblesse de son passé. Son architecture mêle la rigueur classique à la légèreté de la Belle Époque. Les lignes sobres de sa façade, les ferronneries ouvragées de ses balcons, les proportions élégantes de ses volumes rappellent le goût d’une société qui savait allier confort et raffinement.
Son histoire, discrète mais riche, raconte aussi celle de Nice elle-même : cette métamorphose d’une ville méditerranéenne en capitale de la villégiature, où l’art de vivre devient un art tout court.
En 2006, le bâtiment a reçu le Prix du patrimoine des Vieilles Maisons Françaises, récompensant la qualité de sa restauration et la fidélité à son esprit d’origine.
Un témoin de la mémoire urbaine
Le Palais de Nice ne se visite pas comme un musée : il se découvre à travers le regard. On le croise au détour d’une promenade, baigné de lumière, posé entre passé et présent. Il murmure encore le souvenir des hivers élégants d’autrefois, lorsque Nice était la Riviera des reines et des poètes, des artistes et des mondains.
Dans le calme feutré du boulevard Carabacel, il continue de veiller sur la ville, gardien silencieux d’une époque où chaque pierre, chaque corniche, chaque fenêtre racontait déjà une histoire.

